LE VENT PARACLET
carnet du vendredi 23 octobre 2009
par Jacques-Alain Miller
Orgueil. De Amorim s’inquiète d’un mot manquant dans le texte qu’il a donné au Journal, « eurêka », en lettres grecques. « Une petite rectification est-elle possible, me demande-t–il, ou s’agit-il d’un orgueil intellectuel ? » C’est indubitablement de l’orgueil intellectuel, Fernando, mais c’est tout ce qui nous reste, n’est-ce pas ? Nous n’allons pas y renoncer comme ça.
Carole. Je connaissais Carole comme mon bras droit depuis 20 ans – à Uforca, à l’AMP quand j’étais le délégué général, aux Forums des psys. Le texte que j’ai publié hier me fait découvrir la tête politique qui, si je je « >puis dire, se cachait derrière ce bras : force, détermination, clarté, sobriété. Après tout, je peux me dire qu’elle a été à bonne école… Excepté pour la sobriété…
Arizona. Bordeaux, c’est Vérone. Les Capulet et les Montaigu. Sauf que, sur les bord de la Gironde, Roméo et Juliette ne peuvent pas se souffrir. Résultat : Tomstone, Arizona. Gunfight at OK Corral. Seulement, there’s a New Sheriff in Town. L’Ecole, surtout elections’time, is to be a Weapon-free Zone. No guns allowed in the Saloon.
Paraclet. A Athènes aussi, à Caracas, c’est OK Corral. Eh bien, justement, ce n’est pas OK. Chers collègues, chers amis, le vent qui souffle de France – le vent Paraclet, me disait Philippe De Georges – devrait chasser les miasmes des vieilles rancoeurs. Clara, Dora, Réginald, Ronald, je pense à vous, comme dit Baudelaire.
Movida. Marta Serra rêve que le Paraclet se mette à souffler à Barcelone, à Madrid, en l’Espagne. Eh bien, chère Marta, ce n’est pas fait. Eric Laurent souque ferme, mais le courant mélancolique l’a depuis longtemps emporté, au sein de l’ELP, sur l’esprit de la movida, jadis si excitant. Comment avez-vous réussi ça, companyeros ? Pour un Aleman, pour une Vilma, pour un Pundik, pour une Anna Aromi, et tout de même quelques autres, qui sont toujours sur le pont, combien de tristounets, de Caballeros de la Triste figura ! Allons, il est temps de devenir, comme Don Quichotte, des Caballeros de los Leones !
Révolution. D’Italie, pas un cri, pas un murmure, pas un souffle. Quel Merlin l’Enchanteur, quel marchand de sable, fait dormir la Péninsule ? En fait, comme les Espagnols, les Argentins, les Brésiliens, les membres de la NEL, nos collègues italiens viendront en nombre à Paris au mois d’avril, pour le Congrès de l’AMP. C’est là que ça se jouera. Tout le monde viendra prendre le pouls, et peut-être le vent, des événements de Paris, de la nouvelle « Révolution française », celle de l’ECF. Soyons dignes de nos grands ancêtres.
Amalgame. Un air de « Révolution culturelle » : le Vieux de la Montagne qui descend dans la plaine, les digues d’intimidation qui lâchent, les tabous qui montent sur la scène, les « jeunes » qui commencent à l’ouvrir. But, Youngsters, Beware Hubris ! Cette fois-ci, vous ne mettrez pas des bonnets d’âne à vos anciens. J’ai proposé à l’Ecole une politique, qui est celle de l’amalgame. Si l’ECF s’est fermée, j’en suis au premier chef le responsable. Je ne voyais vraiment pas comment l’Ecole pouvait ouvrir ses portes sur la base de ce que les membres du Conseil, ou leurs délégués, recueillaient dans leurs entretiens avec les impétrants. Surprise ! Miracle ! Quand il s’agit de bien-dire dans la perspective de ces Journées, voilà que les bouches s’ouvrent, que les plumes se délient. Nous y sommes – enfin ! Le moment est venu pour l’Ecole de s’ouvrir aux générations montantes, celles qui prendront le relais.
Sweet home.« Joie, joie, pleurs de joie » à Buenos Aires : l’EOL a signé hier l’achat de son local. Je m’associe à cette émotion. Quel chemin parcouru ! Bravo ! Félicitations ! Macanudo ! Une pointe d’amertume, cependant : voilà dix ans que j’ai demandé à ces collègues si nombreux, si entreprenants, de travailler à ouvrir le Mexique à l’orientation lacanienne. Et puis rien. Au moins que je sache. S’installer à son aise chez soi, c’est bien, c’est magnifique. Mais sortir un peu, ce ne serait pas mal non plus.
judithola. Chine : rien. Japon : il y avait quelque chose, il n’y a plus rien. Etats-Unis : quelques individualités de grand mérite, certes, mais pas beaucoup davantage. Allemagne : des amis à Cologne, m’a dit Susanne Hommel. Ne parlons pas des pays musulmans. Le Champ freudien dans le monde stagne, marque le pas. Or, le 21e siècle se joue là, « à l’international », comme on dit. Heureusement, des perspectives à l’Est, Pologne, Russie, les Pays Baltes, Moldavie, Roumanie, (…), Bulgarie, où depuis hier s’active judithola (le nom de Judith Miller sur Twitter). Faudra-t-il confier la conquête du monde à la fille de Lacan, avec Daniel Roy pour lieutenant, pour que nous sortions du pré carré où, si je puis dire, nous tournons en rond ? Je pose la question. Nous n’allons tout de même pas passer notre vie à hystériser les Français, égayer les Espagnols, pacifier les Italiens – sans compter les Bordelais – loger les Argentins, et danser avec les Brésiliens. Si elle veut bien mobiliser ses ses « >ressources et celles de toutes ses Ecoles, ressources financières et « ressources humaines », l’AMP de 2010 devrait tout de même pouvoir faire aussi bien que la petite ECF de 1980, laquelle, sans un kopeck, et aux mains de jeunes jeunes « >vraiment jeunes, analystes sans expérience, avouons-le, mais culottés, s’était lancée bille en tête dans cette « reconquête du champ freudien » que voulait Lacan. Furia francese pas morte, lettre suit (ou blog). Voilà le programme que je propose à Leonardo Gorostiza. Eric Laurent ne demande qu’à l’aider, il me l’a dit. Et moi aussi.
Hommel. Les candidats au Conseil. J’ai envie de voter pour tous. Ce sont des activistes. Hommel, non, mais elle, j’ai envie de voter pour parce que c’est un monument historique : un rapport authentique à la pratique de Lacan, à la langue de Freud ; elle est restée quand tous ses amis de l’Ecole freudienne nous désertaient ; courageuse, confiante, n’imitant personne. Je me souviens, quand Lacan a sorti son hommelle, tout le monde la jalousait, la plaisantait, elle était ravie. Je viens de lui éviter d’aller à Berlin, où des socio-psychothérapeutes à la manque ont ouvert une « université », et se proposent de former les psys dont le 21e siècle aurait besoin. Ils seraient ravis, bien entendu, que quelqu’un d’autorisé leur apporte de quoi mettre Lacan au menu de leur cambuse. Ce ne sera pas Susanne, en tous les cas.
Trop plein. Les autres ? Holvoet et Benichou, piliers de l’informatique de l’Ecole, solides et invariables, qui, avec Cottes, le créateur et l’animateur avisé des collectifs de psycho, sont de la génération montante. Nathalie Georges, tombée bébé, comme Obélix, dans la marmite, celle de Gallimard ; l’une des premières plumes de l’Ecole ; a dirigé la Lettre mensuelle, va diriger la Revue. Daniel Roy, bras droit de Judith – elle en a plusieurs – qui m’a si diligemment cornaqué à Saint-Petersbourg en juin dernier. Agnès, sans qui LNA n’aurait pas existé, toujours dispo, connaissant tout Paris, ma Providence, mon Ange gardien, que BHL voulait pour diriger sa revue – elle ne m’a pas lâché. Deffieux, n’en parlons pas, l’indispensable (Jean-) Pierre sur quoi repose l’édifice d’Uforca, que nous avons décidé à mettre ses talents au service de l’Ecole, on leave pour deux ans, surtout pas plus. Stavy, qui a créé un énorme service avec divers pseudopodes, où de nombreux collègues trouvent à se former, sous sa direction inspirée, à l’orientation lacanienne. Paulo Siqueira, mon cher interlocuteur, que j’aime à taquiner, et qui a fait très bien, tant à la Revue qu’à l’Envers de Paris. Jean-Daniel Matet, que j’ai connu jeune homme, devenu olympien avec l’âge, « tout à tous », comme le recommandait Ignace, le gant de velours bien en évidence, l’oreille ouverte, et une main qui n’est pas de fer, non, qui tient la rampe d’une ligne politique inflexible. Rose-Paule, l’agrégée de philo du lot, ondoyante et diverse, sachant tout faire, réussissant tout ce qu’elle fait – Napoléon voulait des généraux qui ont de la chance, elle en a. Anne Ganivet, le problem-solver n°1 de ces Journées, la femme-ressource de l’Ecole ; avec elle, c’est pour moi : « Demande, et tu seras exaucé ». Naveau, le roc, mais ambulant : il a parcouru toutes les ACF, imperturbable, courtois, pneumatique, avec le tact le plus sûr dans la sélection des travaux pour les Journées ; il était prêt à être le mentor de tout le monde. Le subtil Philippe De Georges, seul provincial rescapé d’il y a deux ans : il désire repiquer, et heureusement, car les provinciaux sont la moitié de l’Ecole, mais comme ils ne se concertent pas pour voter pour les mêmes (ce qui est louable, pas de faction dans l’Ecole), ils ils « >sont régulièrement battus aux élections (ce qui est regrettable) ; d’où solution à trouver pour qu’ils soient au moins le quart ou le tiers du Conseil, c’est à dire trois ou quatre. Là, nous en avons un, ne le perdons pas. Reste Nathalie Charraud. Ah ! Nathalie ! Elle s’est présentée, elle s’est retirée, elle revient. Il est normal qu’elle ait des difficultés à trouver sa place : Lacan Lacan « >disait qu’Attié serait le seul « psychanalyste poète » de l’Ecole freudienne, Nathalie est la seule « psychanalyste mathématicienne » parmi nous. Tandis que l’analyste « se vanne du rebut », disait Lacan, les mathématiciens sont « l’honneur de l’esprit humain », je n’ironise pas. La position de qui est des deux côtés, est nécessairement délicate. En tout, avec Carole, ils sont 17. Eh bien, une Ecole capable d’aligner ces 17 noms n’a pas trop de soucis à se faire pour son avenir.
Décryptage. Le secret des Journées ? Oui, il y en a un. Il est bien en évidence, comme la lettre volée. Ce secret, c’est que je me suis réglé, pour concevoir ces Journées, sur la première topique. Mettre la seconde topique au pas de la première, c’est l’essence de l’enseignement de Lacan.
Ronsard. J’ai promis de faire une lecture publique rue Huysmans, le jeudi 5 novembre, et une autre le vendredi 6, pour égayer la remise des badges, qui ne pourra se faire que pour un petit nombre au Palais des Congrès samedi matin. Textes du XVIe siècle. Irina lira avec moi. On jouera Rabelais, la scène tordante qui a inspiré Molière, où Panurge interroge le philosophe sur l’opportunité de se marier. Je lui confierai les textes qui m’exalteraient trop : tel discours de Blaise de Monluc ; les « Blasons du corps féminin ». Je prendrai Jean de Sponde, Malherbe, Ronsard – là, le difficile est de choisir : Les Amours de Cassandre, Les Amours de Marie, Les Sonnets à Hélène, Les Odes… ce ne sont que joyaux, et la plus belle langue du monde. Il y aura aussi cette fin des Essais où Montaigne glisse cette phrase où je vois l’essence de l’esprit français – de là sort Figaro, de là sortent Danton et Robespierre – phrase à dégonfler tous les semblants, un peu populiste peut-être, n’est-ce pas, Paulo ? : « Et au plus élevé throne du monde, si ne sommes nous assis, que sus nostre cul ». « Et pas une femme, naturellement ? », proteste une voix Mais non, deux : Louise Labé bien entendu, et Marguerite de Navarre.
Forum. J’en ai donné la primeur sur Twitter ce matin : un Forum est dans les tuyaux. Accueil favorable de la twitter-meute. J’en ai informé BHL, justement en train de corriger le recueil de toutes ses interventions aux Forums : son enthousiasme m’a décidé. Cet après-midi même, le Conseil d’administration d’Uforca a cédé au Forum la salle de la Mutualité réservée par Carole pour la Conversation clinique de l’année. Dans l’élan, nous avons décidé de faire souffler sur les Sections cliniques notre vent Paraclet, ainsi nommé par De Georges. Christiane Alberti s’apprête à sortir le bulletin électronique d’Uforca : « Je suis entourée, précise-t-elle, d’une équipe toute neuve de jeunes collègues à Toulouse. La formule entend ménager une surface importante interactive sur des thèmes à la fois cliniques et politiques. »
Aleman. Je souhaitais hier que l’on traduise le texte de Jorge Aleman. Ce matin, je vois arriver trois traductions : l’une, marquée 4h 29, par Ariel Altman, qui me dit avoir déjà entendu Aleman lire ce texte il y a deux ans à l’EOL ; la seconde, que j’ai trouvée d’abord, d’Inma Guignard Luz, arrivée à 7h 33 ; et enfin, à 14h 23, celle d’Agnès. Les tours de force se multiplient autour des Journées. Mon dieu, moi qui écris ces éditoriaux comme cela me vient (je je « >fais confiance à mon inconscient, ce qui est risqué), je suis responsable de tout ce travail dépensé. Eh bien, je publierai les trois, successivement.
Carlacanienne. The Daily Beast est le quotidien le plus branché du Web, création, il y a eu un an le 12 octobre, de l’irrésistible Tina Brown, ancienne directrice de Vanity Fair papier. Je n’ai pas le temps de le lire ces jours-ci, mais Eric Laurent, qui partage mon goût pour la presse américaine, m’envoie l’article du jour sur le film de Gérard Miller. Eric Pape, basé à Paris, ne parle que de Carla, de ses deux pères, et de ses huit ans de « therapy ». Non, Eric Pape, Carla est en analyse, et qui plus est, son analyste est lacanien (non, ce n’est pas moi, ni personne de cette Ecole, ni d’aucune).¨
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Bravo pour votre blog !
Mais c’est de la vitesse grand Jam tout ça !! Bravo ! (+olirip of course !) Est c’est formidable ce « s’autoriser à dire n’importe quoi ! » Cosa no siempre facil! Conquistada !
Précédent message site erronnée.
Bravo pour ce blog.
Mistaire
Ce blog est sensationnel et pas du tout n’importe quoi. C’est plus « chic » que Twitter ? Plus facile d’accès — ou plutôt d’utilisation — aussi ? Sans doute plus imprégné de la raison du Nom-Du-Pere que l’essaim « twitterien » ? Votre remarque sur le secret des Journées est lumineuse : mais oui le désir est aux commandes de TOUT l’enseignement de Lacan. On s’est endormi avec le « savoir y faire ». Quoique…
Siempre tuvimos hogar ahora, además, tenemos casa!!!
Es una alegría inmensa.
Bien por Carla, pero se sigue perdiendo de mucho sin un analista del CF…
Vous me donnez raison! Botticelli…La Primavera…
« L’âge des espérances et des chimères, comme on dit – et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse – pardon si c’est banal, à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes – moi j’appelle cela du printemps. »
Lettre de Rimbaud à Théodore de Banville du 24 mai 1870
De lecture très agréable et fluide, j’ai particulièrement apprécié le carnet où figure l’impressionnante liste des 17. Aussi, j’aime beaucoup lire les nouvelles commentées de politique lacanienne internationale.
Un bon blog est un blog actualisé.
Bien à vous,
Laura S.
» Hay encantos que valgan contra la verdadera valentía? Bien podrían los encantadores quitarme la ventura, pero el esfuerzo y el ánimo, será imposible »
Esta sentencia anticipa el trueque del nombre Caballero de la Triste Figura por el de Caballero de los Leones. Don Quijote da razón de este cambio a don Diego de Miranda, al comparar la empresa del caballero andante con las de los otros caballeros, los cortesanos. Estos, aunque suscitan el elogio cuando conquistan el éxito ateniéndose a sus precisas obligaciones, no son merecedores de una fama personal y duradera. Sin embargo, el andante caballero se distingue por su cometido: » …busque los rincones del mundo; éntrese en los más intrincados laberintos; acometa a cada paso lo imposible; (…) no le asombren leones ni le espanten vestiglos (monstruos horribles y fantásticos) ni atemoricen endriagos (monstruos fabulosos con rasgos humanos); que buscar éstos, acometer aquéllos y vencerlos a todos son sus principales y verdaderos ejercicios. »
Es notable hasta qué punto la sugerencia de Jacques-Alain Miller de que abandonemos el ánimo tristón de la ELP para hacer nuestra la causa de Los Caballeros de los Leones es acertada y preciosa!
Como podemos leer en el párrafo antes citado, hay cosas que comparten el caballero andante y el analista. El más destacable es sin duda, la valentía ante los encantamientos imaginarios y ante lo imposible (lo real) que encuentra a cada paso. Combatir el ánimo moroso que engrendra vestiglos y endriagos puede ser una buena divisa para la acción del analista lacaniano.
Lacan, en Télévision, dice, con sabia ironía, que cuando el viento de su enseñanza se hace fuerte provoca frío. Entonces, la SAMCDA busca el calorcito del montón.
Pero el montón no conviene al analista.
Ojalá que el viento lacaniano que llega, renovado desde París, nos permita salir, uno por uno, del refugio en un silencio que ha dejado de ser confortable. Con la paradoja que supone tal confort….